Désertion Urbaine : Chronique d’une Fatigue Nationale
Cet article est né d’un départ, d’une rupture, mais aussi d’un regard lucide posé sur un pays traversé par des tensions, des incompréhensions et des mutations profondes. Il ne s’agit ni d’un réquisitoire ni d’un manifeste, mais du témoignage de mon ami Christian qui cherche à comprendre ce qu’il a sous les yeux, une France qui change plus vite que ceux qui y vivent. Entre fatigue, colère, nostalgie et désir d’apaisement, ces lignes racontent un cheminement intérieur, celui d’un citoyen tenté par le silence des campagnes après le tumulte des villes.
Louis Perez y Cid
« Je croyais que mon dégoût du monde avait atteint le maximum mais il s’est encore accru. Je ne peux plus jeter un regard sur les journaux. La stupidité, la veulerie, la méchanceté qui s’y étalent me font souhaiter un nouveau déluge pour engloutir tous ces médiocres coquins. Il n’y a de bon que les plantes sauvages, les montagnes, le ciel et les nuages ».
Alexandra David-Neel.
Par Christian Morisot
Pour moi, un nouvel horizon se dessine après avoir quitté Paris et sa banlieue du « neuf trois » (célèbre 93), là où il n’y a pas de problème pour ceux qui n’y habitent pas…
En fait, j’espère me sentir un petit peu plus en France, ici, les esprits des jeunes gens, en manque de repères, se soumettent trop à un discours ambiant de détestation du pays où ils vivent et où, pour l’immense majorité d’entre eux, ils sont nés.
Aujourd’hui, je suis fatigué de m’offusquer, je suis presque convaincu de notre impuissance face à une adversité qui a un nom, je garde en moi une vraie colère qui me dérange quand je regarde un des récents reportages sur les émeutes de Trappes provoquées après un contrôle d’une femme voilée, dévoilant un cancer qui s’impose à notre pays en maladie mortelle.
Dans cette cité perdue de la République, les étrangers sont fustigés de vouloir des restaurants et des cafés ouverts pendant le ramadan, provocation ? Mais surtout, ce qui me semble révélateur d’une intégration d’avenir, la majorité des habitants de cette ville sont persuadés que les pouvoirs publics complotent pour « blanchir la ville ». Une mère de famille précise : « que les loyers augmentent pour attirer les « bolos » (les blancs) ». Là, plus qu’ailleurs, La mixité sociale est rejetée, les ghettos s’installent, des zones interdites s’ancrent à devenir jumelles des « quartiers-Nords » marseillais…
C’est un peu aussi cela les conséquences de ma niaise espérance à trouver un village qui fait pitié, de ceux qui ferment leurs cafés-tabac, au moment où s’estompent et s’érodent les traditions ancestrales, j’ai le souci de me retrouver retraité dans une de ces petites villes, dans une de ces régions que l’on nomme le « ventre mou » de la France ou la » diagonale du vide ».
C’est ainsi que j’aspire à faire partie de cette population nouvelle appelée « rurbains », pas vraiment urbaine et très peu rurale qui transporte la ville à la campagne. De ceux qui ne s’accoudent plus au comptoir du café, de ceux qui pratique une vie de relation équilibrée entre l’homme, la terre et le monde animal, dont le village constituait le foyer de rayonnement. Heureusement ou peut-être malheureusement, les jeunes sont ailleurs, la campagne, les collines sont les pays de la vieillesse. Ainsi, j’aspire, à quelques années du dernier quart de mon existence, à un cadre de vie anonyme, à l’aspiration de plus d’espace, de silence et de sérénité.
Toute ma vie a été semblable à cette plage que de hautes vagues balayaient sans cesse… toujours le calme revenait le soir, à l’image de ce que devrait être l’existence des hommes. Aujourd’hui, je souhaite une mer calme, de celles qui font avancer trop doucement les bateaux des marins lors des régates. Rassurez-vous, je sais trop bien que la solitude n’est bonne que pour l’ermite, ce qui ne saurait être bon pour moi tant l’isolement me semble horrible et pénible. Imprégné de ces décisions incorruptibles il me faut, cependant faire une confession révélatrice et avouer avoir un besoin impératif de ne pas vivre trop loin d’une grande ville, l’homme existe aussi par les faiblesses que révèlent ses propres contradictions…
La bourrasque d’un nouveau déménagement s’amorce comme une tempête dans un verre d’eau. Installé depuis un an dans la région parisienne, je n’ai rencontré jusqu’ici, autour de moi ou dans la rue, que des visages fermés, maussades, le regard éteint qui parfois semble s’éveiller en donnant l’impression de fouiller dans les pensées et dans les cœurs mais qui, en fait, n’est que le reflet d’une pensée intime et non un intérêt soudain pour ces hommes invisibles qu’il regarde... Tickets pour ceci SVP, cartes pour cela SVP, contrôle pour tout, la France des grandes villes est devenue le pays des hommes tristes.
J’en reviens à Alexandra David-Neel qui disait en 1926 : « Sur la cote d’Azur comme dans les environs de Paris, on voit des affiches de lotissement partout, c’est hideux… La mentalité qui doit se développer dans ces cabanons nous promet une jolie race ». Bien entendu, le mot « race » reste à définir, mais la vision de votre futur, annonciateur de notre présent ne pouvait mieux se définir, Madame…